Quelques explications :
Nous sommes à l'embouchure de l'Elorn, la rivière est ici large de près de trois cent mètres. Jusqu'en 1930 pour passer de Brest à Plougastel il fallait prendre le bac ou faire le détour par Landerneau ce qui était pénalisant pour les habitants des deux rives mais aussi pour les voyageurs au plus long cours.
En 1921 Albert Louppe, sénateur et conseiller général du Finistère envisage la construction d'un pont enjambant L'Elorn.
Le projet est confié au célèbre ingénieur Eugène Freyssinet.
Celui ci dessine et fait construire un pont innovant pour l'époque. Le pont comporte trois arches de 186,4 mètres de long ce qui lui donne (pour un temps) le record de portée des arcs en béton. Le pont comporte deux tabliers ; le supérieur pour la circulation automobile et un tablier inférieur pour le réseau ferroviaire (celui ci ne fut jamais utilisé). L'ouvrage est long de 888 m de long pour 9 m de large, les arches sont à 27.5 m au dessus de l'eau et à 42 m du fond de la rivière.
Le pont fut inauguré en 1930 par le président de la république de l'époque Gaston Doumergue.
L'arche coté Brest fut détruite en aout 1944 par les occupants, le pont ,élargi, fut remis en service en 1949.
En 1980 ce pont qui ne comportait que deux voies de circulation recevait un passage moyen de 28000 véhicules/jour, les voies express en deux fois deux voies trouvaient là un inévitable étranglement. Le pont dit aussi de Plougastel ne pouvait donc plus suffire.
Divers projets auxquels j'ai eu la joie de participer (petite participation) furent étudiées. Le projet qui est sorti du lot en 1990 est le pont de l'Iroise, un ouvrage haubané de 800m de long comportant deux piles seulement ce qui amène la portée du tablier à 400m.
Record mondial de portée pour un tablier haubané là aussi. (Pour un temps aussi)
Pour équilibrer cet ensemble les piles culminent à 115m de hauteur, la largeur est de 23m pour recevoir 2x2 voies, cette largeur est obtenue par un encorbellement soutenu par des bracons. Une fois les piles construites le tablier fut poussé de chaque rive. Le clavetage des deux parties est un grand moment.
Ce pont fut inauguré en 1994. L'ancien ouvrage est lui laissé à la circulation des promeneurs et des vélos et offre un magnifique point de vue sur la rade de Brest, une des plus belles, sinon la plus belle rade du MONDE.
Une des contraintes inscrite dans le cahier des charges dès le début du projet était l'impact sur le paysage et l'environnement. Ce qui peut paraitre banal aujourd'hui m'a enthousiasmé à l'époque des projets. Les deux ponts ne pouvaient pas se fondre dans le paysage alors le nouvel ouvrage devait se fondre dans l'ancien pour limiter l'impact visuel. En fait cette image avait sa place en architecture.
Voilà, c'est un peu le but de mon image, montrer deux ponts mêlés, élancés. une belle réalisation en fait (avec ses défauts bien sûr) et pour moi de la tendresse pour le travail des hommes. J'ai pris cette image dans ce sens, depuis l'eau, presque en face c'est à dire dans l'angle le plus défavorable pour eux.
Je ne pensais pas vous raconter tout cela, par moments je pourrais me croire à nouveau au travail, rédigeant pour je ne sais qui une synthèse d'ouvrage ça fait drôle.
J'ai passé beaucoup de détails, sans compter que tout n'a pas marché comme prévu, pas sur l'aspect technique mais par exemple l'impact sonore par vent d'ouest, qui y aurait pensé, un harmonica géant...
J'ai encore trop parlé, tant pis si vous lâchez la lecture en route, je vous comprend. Ai je au moins répondu à ton interrogation Klaus ?
Sous les ponts ce n'est pas très accueillant
Un sablier près de l'ancienne pile.